Par un courrier commun daté du 23 mars 2020 signé par les présidents de cinq associations d’élus locaux, il est proposé de flécher les dépenses des collectivités liées à la crise sanitaire en section d’investissement. Cette position nous semble appeler les objections suivantes.
La comptabilité, langage technique qui vise à traduire une réalité concrète, répond à des principes tels que la régularité, la sincérité et le souci de donner une image fidèle de la réalité aux différents utilisateurs de l’information financière que sont, pour ce qui concerne les collectivités locales, les élus, les citoyens, l’Etat et les partenaires desdites collectivités, parmi lesquels fournisseurs ou investisseurs.
Il est vrai que l’articulation des aspects budgétaires et comptables, spécifique pour le secteur public local, amène parfois à vouloir s’affranchir de certaines règles ; en particulier, la possibilité de financer par emprunts des dépenses exceptionnelles par leur contexte ou leur montant peut sembler répondre à une logique pertinente de gestion.
Mais outre le fait que les règles de la comptabilité publique locale le permettent déjà, dans un cadre et avec un contrôle approprié, introduire une confusion entre investissement et fonctionnement ne permettrait pas de mesurer le réel impact de la crise sur les finances locales. En la matière, celui-ci sera mieux apprécié par un recensement extracomptable, analytique, utilisable notamment pour justifier auprès de l’Etat les difficultés financières que certaines collectivités pourraient rencontrer le moment venu.
Au surplus, ces difficultés ne résulteront pas seulement de l’ampleur des dépenses exceptionnelles engendrées par la situation, mais plus largement de la diminution des recettes liée à la conjoncture économique, dont rien ne permet d’anticiper un rétablissement à court terme.
Ainsi, sans s’interdire de réfléchir au bien-fondé des adaptations de la nomenclature comptable qu’appelle la spécificité de l’action publique, dont la crise actuelle montre à l’évidence qu’elle ne peut moins que jamais reposer sur la simple logique du marché, c’est bien une réflexion approfondie qu’il s’agit désormais de mener, sur les modalités de financement des collectivités locales à l’avenir, assurant un respect renouvelé du principe de libre administration, mais tenant compte des logiques cycliques de l’économie mieux que ne le font les dispositions fiscales actuelles.