Alors que la précédente édition des journées de Loi de finances, se déroulant quelques mois après l’échéance présidentielle, avait été l’occasion de débattre des ruptures – « disruption » dans le langage du nouveau monde d’alors – annoncées par le premier acte budgétaire du nouvel exécutif (mise en place d’une « contractualisation » inédite ainsi que de la suppression de la taxe d’habitation pour 80% de la population), l’édition 2019, que nous avons baptisée comme celle de « l’ère Macron An II » se présente dans un contexte plus difficile et de ce fait dans des contours plus flous.
En effet, au moment où une révolte populaire autant inattendue que puissante ébranle le pouvoir en place qui a alors trouvé comme unique échappatoire la tenue d’un « Grand Débat », les certitudes des actes et trajectoires proposés ne sont plus aussi affirmées qu’auparavant. Le contenu de ce millésime 2019 des Lois de Finances s’en ressent fortement : peu de grandes mesures à forte ambition mais, comme à chaque moment de doute, le recours à un certain nombre de mesures techniques issues d’un travail de fond permettant de remplir le contenu de document autant budgétaire que politique.
L’analyse de la loi de programmation des finances publiques est certainement celle qui reflète le plus le renoncement de l’exécutif en 2018 : le déficit public, qui devait en 2019 se stabiliser avant de profiter les années suivantes des effets positifs de la politique économique, va se creuser sérieusement pour vraisemblablement dépasser de nouveau le fameux seuil maastrichtien des -3% (-3,2 % estimé). Au-delà des perspectives de croissance économique moins favorables qu’attendues, le renoncement à la mise en place d’une fiscalité écologique afin de, notamment, compenser les mesures de stimulation du pouvoir d’achat comme la suppression de la Taxe d’Habitation pour le plus grand nombre, explique pour partie ce creusement.
Dans ce contexte, on peut se demander si l’exercice de « contractualisation » ne va pas rapidement mourir de sa belle mort pour laisser sa place aux méthodes plus expéditives du mandat précédent, à savoir la baisse unilatérale par l’Etat des dotations versées aux collectivités. En effet, il est à la fois critiqué en raison de sa mise en œuvre « verticale » (peu de prise en compte de paramètres « locaux » et presque toutes les collectivités trouvant uniformément leurs dépenses de fonctionnement indexées à +1,2% d’évolution) et mal vécu par les élus locaux qui y voient un retour d’un jacobinisme porté par Bercy.
Dans l’attente, les dispositions de la Loi de Finances pour 2019 ont permis la répartition des 48,8 milliards d’euros de dotations de l’Etat dont les 26,9 Milliards d’euros de Dotation Globale de Fonctionnement aux seuls communes, EPCI et Départements (rappelons que la LFI 2018 avait supprimé la DGF des Régions en la remplaçant par une part de TVA). Nouveautés à signaler toutefois cette année : la réforme de la dotation d’intercommunalité par rationalisation des différentes enveloppes relevant du dispositif précédent et la transformation de la Dotation Globale d’Equipement des Départements en une Dotation de Soutien à l’Investissement des Départements (DSID) à même de donner plus de portée aux aides que l’Etat souhaite accorder aux projets départementaux.
Sur le plan fiscal, l’annonce d’une grande réforme à venir pour la fin du premier semestre de l’année 2019, qui permettra notamment de donner la réponse tant attendue à la finalisation (ou pas) de la réforme de la Taxe d’Habitation (une question à 6 Milliards d’euros quand-même), a laissé là également les mesures de fond plus techniques s’exprimer pour 2019. C’est ainsi qu’au-delà du traditionnel chapelet de mesures fiscales prévu dans le texte budgétaire, il convient de souligner le travail de clarification sur la TEOM et plus particulièrement sur le champ des dépenses que doit couvrir cette ressource fiscale (article 23 de la LFI) ainsi que la légalisation sur la définition des locaux industriels (article 156).
Enfin, dans cette loi de finances davantage de transition que d’anticipation, le volet péréquation ne déroge pas à ce constat. Ainsi, au-delà de quelques mesures d’ajustement, notamment pour les Départements avec la création d’un 6ème (!) plan d’urgence ainsi que d’un 3ème (!) fonds portant sur les DMTO, les dispositifs péréquateurs horizontaux montrent de plus en plus d’essoufflement voire d’illisibilité alors que les outils de péréquation verticale se présentent comme de plus en plus marginaux dans un contexte de repli financier de l’Etat.
Au final, l’incertitude, mais en même temps le champ des possibles, paraissent si importants en ce début d’année 2019 que nous avons hâte de nous retrouver à commenter la Loi de Finances pour 2020 dont le contenu donnera forcément l’orientation et le ton définitifs du mandat présidentiel en cours.
Animation : Frédéric Fièvet (DGS Ville de Tours – membre du bureau de l’AFIGESE)
Intervenants : Pascal Bellemin (Département de la Savoie), Yann Goubard (Département de la Seine-Maritime), Elodie Moerman (Métropole Européenne de Lille), Claire Simon (Région Auvergne Rhône Alpes) et Luc Alain Vervisch (Banque Postale).